Burkina Faso: cri de femme

Burkina Faso: cri de femme

Tim Winsey, le génie créateur du Wassamana groove

De l’arc-à-bouche, en passant par la Kora, Tim Winsey, est un artiste d’un genre nouveau. Créateur du Wassana groove, ce musicien tradi-moderne, multi-instrumentaliste, a su puiser dans le large répertoire de son terroir (il est originaire des Samo ndlr), afin de créer sa marque de fabrique. Un mélange de sonorités Samo et rock, envoutante qu’il a offert en spectacle au public des Récréâtrales 2012. 

 

18H30 ce samedi 3 novembre 2012. Les lumières de l’espace Feeren, dans le quartier Gounghin à Ouagadougou, laissent percevoir un homme. Assis sur une chaise, le micro ajusté à sa position, Tim Winsey distille des sonorités envoutantes avec son arc-à-bouche qu’il manie d’une main de maitre en face d’une centaine d’amateurs de musique venus assister à sa création musicale pour le cadre des Récréâtrales 2012. L’homme a à peine 39 ans et ni ses doigts qui agitent avec dextérité les bouts de bois, composites indispensable de l’arc-à-bouche, ni ses pieds qui battent aux rythmes de la mesure, ne témoignent d’un quelconque stress. Il fait corps avec son instrument de musique dont il caresse la corde de manière amoureuse. Les lumières fortes projetées sur la scène se reflètent sur son teint d’un noir brillant d’où perlent quelques gouttes de sueur qu’il n’essaye même pas d’essuyer de peur d’interrompre le rêve dans lequel il a plongé ses spectateurs. Pratiquant l’arc-à-bouche, depuis sa tendre enfance, Tim Winsey en est arrivé à faire voyager ses spectateurs à travers les richesses culturelles africaines, par une combinaison harmonieuse de rythmes lents avec d’autres plus soutenues, accentués par les intonations dans sa voix, tantôt aigue, tantôt aussi faible que le murmure du vent. Ce n’est donc pas pour rien que Etienne Minoungou, acteur, metteur en scène, directeur des productions Falinga et président des Résidences panafricaines d’écriture, de création et de diffusion théâtrale, l’a reconnu comme «le virtuose incontesté de cet instrument immémorial, aux vibrations envoûtantes».

Rien de bien extraordinaire alors que ce dernier réussisse la prouesse d’envelopper entièrement son public dans sa musique. Les spectateurs, comme sous son emprise, ne réagissent plus qu’aux rythmes que l’artiste impose à son arc, battant des mains quand il le demande, reprenant les refrains de ses chansons quand il en donne le ton et se taisant dès qu’il les replonge dans le rythme ensorceleur de cet instrument de musique typique aux Samos (Ethnie de l’artiste), dont l’origine, relève d’un mythe, selon Tim Winsey. L’histoire raconte que c’est pour mettre un terme à un conflit entre chasseurs et animaux qu’un chasseur Samo a décidé de transformer son arc  et de briser sa flèche pour en faire un instrument de musique. En plus de maitriser parfaitement l’arc-à-bouche, l’artiste s’est aussi approprié la kora, dont il a appris les bases auprès du grand maître malien Toumani Diabaté. Comme il l’explique lui-même, la kora l’a « interpelé ». C’est avec passion qu’il s’exprime: «La kora était en train de disparaître petit à petit et j’ai voulu la rencontrer et la ramener dans notre patrimoine culturel». Pour lui, les instruments de musique constituent une chance formidable pour l’artiste. Il en use jusque dans la création et les résidences de spectacles de danses et de théâtre aux côtés des grands noms de la danse, comme les chorégraphes burkinabè Salia Sanou et Seydou Boro, avec lesquels il a collaboré en 1997.

Cette étape marque un tournant décisif dans la carrière de l’artiste. En 1998, il reçoit le 2e prix du concours chorégraphique interafricain à Luanda (Angola) pour la musique de la pièce «Figninto», de la compagnie de danse contemporaine française de Mathilde Monnier, présentée sur de nombreuses scènes en Afrique, en Europe, aux Etats-Unis et en Asie. En 2001, la pièce «Vin Nem», dont il a composé la musique, gagne à son tour un prix au Concours chorégraphique interafricain de Tananarive (Madagascar). L’année 2004 voit la naissance du premier album «ZESSA», de l’artiste et en 2006, il rejoint le chorégraphe Serges Aimé Coulibaly pour travailler sur diverses créations. Riche de toutes ces expériences, Tim Winsey développe sa propre recherche vocale et musicale inspirée de qui existe dans sa région natale.  Il crée alors un style qui lui est propre, le Wassamana groove, une fusion de rythmes samo et de sonorités rock, caractérisés par des rythmes lents, plus saccadés, pas de danses endiablés, chants à intonation aigüe, plus douces, mélange d’instruments modernes et traditionnels. Pour ce faire, il s’entoure des meilleurs instrumentistes de la ville de Ouagadougou : Alain Nyame (basse) ; Ablo Zon (batterie) ; Seydou Sangare (guitares) ; Ben Kporha (claviers) et Simon Winsé (percussions). Aujourd’hui, Tim Winsey est considéré avec révérence par la jeune génération d’artistes burkinabè. En témoigne le musicien Bonsa, qui voit en lui l’exemple à suivre. «Il a choisit la route la plus difficile pour faire de la musique, à travers les instruments traditionnels, mais c’est la meilleure qui soit et c’est pour cela que j’ai beaucoup de respect envers lui», confie ce dernier.                    




05/11/2012
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